On m’appelle John
Je suis né en 2000, et mort bientôt en ce qui vous concerne, ou presque mort. Je suis né à nouveau en 2080, le 16 avril. Mais cette précision n’a aucune importance.
Je ne sais pas comment j’ai accès à vous je sais en revanche pourquoi.
Tous vos futurs possibles existent simultanément dans le présent. Y compris le mien. C’est vous qui construisez le vôtre.
Transcript Audio du 17 avril 2080
Je suis re-né le 16 Avril 2080 :
<N>John-<T>-Mem-Audio-20800416
« « John, John, Jooooooohn….johnnnnnnnn ! He Ho…vous nous entendez ? Remuez le bras, ou les doigts ou tournez la tête si vous nous entendez ! »
Tout résonne, tout tourne, tout est à la fois neuf, brouillon, vaporeux, turbulent, sourd et trop présent. « John ;…john…. » à nouveau, la danse de lumières étranges et la ligne de base d’acouphènes insolents.
On m’appelle, on me réveille, j’ai dormi ? Quand, combien de temps, ou suis-je ? Il est quelle heure ?
C’est fou ce que l’on peut avoir comme questions spontanées quand on sort d’un trop long sommeil.
Un mur blanc, pas droit du tout devant mes pieds au bout du lit, une petite fenêtre à gauche encastrée dans un très large mur de pierres couvertes d’un badigeon blanc.
Il y a aussi dans ce silence de vertige le bruit d’une rivière et un rayon de soleil qui rentre dans cette pièce, une porte en bois sur le côté droit, à droite mais pas droite, pas droite du tout la porte, pas à l’équerre. Et au plafond, des poutres mal dégauchies, presque trop basses, non juste assez bas le plafond pour que la pièce semble accueillante comme une cabane, une petite tanière de grosses pierres adoucies d’une caresse blanche où la couleur respire.
Il fait bon.
Je suis chez moi, chez nous, dans la maison de mes parents, la maison de mon enfance au bord de l’eau. Je suis certain d’être là, au fond de cette petite vallée, juste en dessous de la ligne de partage des eaux. Comme bloqué devant la frontière, au-dessus, à deux pas, tout coule vers la Loire et New York, alors qu’à mes pieds, 200 mètres plus bas, le Rhône collecte les eaux pour la méditerranée. Ici commence le sud, alors qu’à 5 minutes de marche en allant vers le haut, dès le bord du plateau tous les villages s’appellent « le froid » comme un suffixe ajouté à leur nom de printemps.
Je suis chez moi, chez nous, mais différent. Que fais je là ?
« John, bonjour John, Ravi de vous voir parmi nous ! »
Elle est belle cette voix qui me parle, elle est douce. C’est bien ma chambre mais ce n’est pas mon lit. Ces appareils autour de moi ressemblent fort à des instruments de mesure de laboratoire ou d’hôpital.
« John, réveillez-vous doucement, ne faites pas d’effort pour rien, prenez tout votre temps, je suis là. Je m’appelle Angèle. Je suis là pour vous aider à récupérer et pour répondre à vos questions. Mais rien ne presse. Il est normal que vous ayez sommeil. Dormez si vous le souhaitez. »
C’est vrai que j’ai sommeil, très sommeil. A droite je sens sa main serrer la mienne et je sombre en prenant le temps de me sentir partir, doucement, bercer par le bruit de la rivière, chauffé par un rayon de soleil qui vient lécher ma main gauche au bord du lit. Je prends conscience de mon corps lourd, de mes bras et de mes jambes, de ma tête dans le coussin profond, des images sans forme qui dessinent des pulsations de lumière spontanées à l’intérieur de mes paupières closes, avec des rêves et une conscience du temps. Je m’endors. »
Fin retranscription d’enregistrement audio.